La ferme de l'enfer - 03 - Amères récoltes by Jacques Mazeau

La ferme de l'enfer - 03 - Amères récoltes by Jacques Mazeau

Auteur:Jacques Mazeau [Mazeau, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Éditeur: Archipel
Publié: 2013-01-16T23:00:00+00:00


8

En quelques mois, Marie avait fait de La Vernière le lieu de rendez-vous de la Collaboration le plus couru du département. Grâce à l’argent qu’elle récupérait sur les affaires de Blanchard, au loyer exorbitant que lui versaient les Allemands et aux largesses de Mayer, elle pouvait dépenser sans compter.

Les dîners succédaient aux dîners, les fêtes aux fêtes. De nombreuses réunions politiques de groupuscules collaborationnistes se tenaient aux Quatre-Vents. Entre autres, celles du RNP de Déat, que Marie choyait particulièrement.

À son rôle de maîtresse de maison, qu’elle tenait à merveille, selon les dires des habitués, s’ajoutait celui d’« amante attitrée » de Mayer. En réalité, mais tout le monde l’ignorait, elle était bien plus que cela. Au fil des mois, une véritable histoire d’amour s’était nouée entre l’officier et elle. L’attirance physique et intellectuelle qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre dépassait largement celle qui gouverne une liaison éphémère.

Lorsqu’ils se retrouvaient, ils n’avaient qu’une idée en tête : s’aimer comme en temps de paix. Leur désir n’avait fait que s’accroître. Ils faisaient souvent l’amour, parfois dans des conditions un peu baroques qu’ils inventaient pour donner plus de piquant à leurs ébats. Cette aimantation des corps jouait un rôle majeur dans leur entente. D’ailleurs, ils ne s’en cachaient pas. Lors des fêtes ou des dîners, ils s’embrassaient et se caressaient comme s’ils venaient de se rencontrer.

À force de vivre ensemble, ils avaient appris à harmoniser leur vie de couple et fonctionnaient selon un mode bien établi, auquel ni l’un ni l’autre ne dérogeait. Autant que le permettait l’emploi du temps de Mayer, de plus en plus sollicit é par des opérations de police, ils dînaient toujours à l’heure, écoutaient la radio, lisaient ou se promenaient comme tout un chacun.

Ils parlaient rarement de politique, voire jamais. Sans doute parce que Marie goûtait peu ce genre de discussions, mais aussi parce que les décisions liées à la politique allemande d’occupation étaient du seul ressort de Mayer, et qu’elles n’étaient pas susceptibles d’être commentées.

Cela donnait d’ailleurs à leur union un côté petit-bourgeois, comme disait Blanchard, qui s’étonnait qu’une femme aussi libérée que Marie pût se montrer si conformiste. Bien qu’il eût passionnément aimé sa première femme, il affirmait haut et fort que l’amour entre deux êtres n’était qu’une affaire de cul et que le sentiment n’était qu’un leurre.

Évidemment, le fait qu’il se moquât de cette union, trop parfaite à ses yeux, n’était pas dû à ses seules certitudes « philosophiques », mais aussi au fait qu’il était écœuré de voir le Schleu réussir là où lui-même avait échoué. S’ajoutait à sa frustration son ressentiment envers Marie, qui le rançonnait. Toujours en avance d’une dette, celle-ci entendait qu’il la rétribuât de ses rapines au juste prix, autrement dit le plus élevé. Vu les avantages qu’il tirait d’elle et de Mayer, il avait décidé de ne pas discuter. Restait la douleur presque physique qu’il éprouvait en lui donnant régulièrement sa petite enveloppe.

Pour tromper son ennui – voler son prochain était vraiment trop facile –, Blanchard s’était jeté dans la luxure.



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